METZ

PAROISSE ORTHODOXE DES TROIS SAINTS HIERARQUES
Basile-le-Grand, Grégoire-le-Théologien et Jean-Chrysostome

православная церковь русской традиции

L'expérience de Dieu dans la vie intérieure
Entretien spirituel du 31 juillet 2022
Archiprêtre André Jacquemot

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Cet été, j’ai pris le temps de relire les Discours ascétiques de saint Isaac le Syrien Saint Isaac le Syrien : Discours ascétiques. Trad. Placide Deseille. Monastère Saint-Antoine-le-Grand. 2006.. Avec l’Echelle sainte de saint Jean Climaque Saint Jean Climaque : L’échelle sainte. Trad. Placide Deseille. Spiritualité orientale n° 24. Abbaye de Bellefontaine. 1987. et les Homélies spirituelles de saint Macaire d’Egypte Les Homélies spirituelles de saint Macaire. Trad. Placide Deseille. Spiritualité orientale n° 40. Abbaye de Bellefontaine 1984., c’est l’un des traités qui sont les plus lus dans les monastères et, au-delà des monastères, une référence majeure pour la vie spirituelle orthodoxe. C’est peut-être un peu difficile d’y entrer quand on n’est pas préparé, mais chacun peut en retenir des instructions utiles, à condition d’être un peu guidé. C’est ce que je voudrais tenter de faire avec vous : parler de l’expérience de Dieu dans la vie intérieure.

C’est un sujet important mais délicat. Je ne m’étais pas trop aventuré à en parler jusqu’ici. Mais je ressens maintenant la nécessité de le faire, ne serait-ce que pour mettre en garde contre certaines propositions que l’on trouve sur le marché de la spiritualité :

- Il existe des « professionnels » qui font un commerce de la vie spirituelle. Ils vous proposent par exemple des stages de trois jours en vous promettant une « expérience forte », un stage en appelant un autre, puis un autre…, ce qui va assurer des revenus confortables à leurs organisateurs. Et pour se donner un « label orthodoxe », ils émaillent leurs discours de références aux pères de l’Eglise.

- Sur Internet, on trouve des sites qui alignent des paroles des pères sous forme de sentences. Leur lecture peut vous donner l’illusion d’être avancés dans la connaissance « orthodoxe ».

Mais la vie spirituelle authentique, conforme à l’Evangile et à l’expérience profonde de l’Eglise, est autre chose. Une connaissance intellectuelle ou une sensation obtenue par des techniques corporelles ne remplace pas l’expérience de la vie chrétienne, l’expérience que l’on peut avoir de Dieu dans la prière humble et persévérante. La vie chrétienne comporte un aspect ascétique : le combat spirituel, qui est une participation au combat victorieux du Christ, avec son aide. Ou, pour mieux dire, c’est Lui qui combat en nous, avec notre adhésion.

Car n’oublions pas la base de notre foi chrétienne : nous croyons au Christ, Fils de Dieu, qui est venu dans le monde, s’est fait homme, a accepté de souffrir et de mourir pour nous, pour nous sauver. Nous sauver de quoi ? De la condition déchue à laquelle nous participons comme conséquence du péché : le péché d’Adam, le péché de tout homme, notre péché.

Le salut est déjà accompli en Christ. Mais ce salut ne peut devenir nôtre qu’avec notre participation. Nous devons accepter de mourir au vieil homme, selon les termes de saint Paul (cf. Rom. 6,5-6 ; Eph. 4,20-24 ; Col. 3,9-10), pour revêtir l’Homme nouveau : le Christ. C’est le sens de notre baptême, qu’il nous appartient d’actualiser dans notre vie. Renoncer à ce monde déchu, le monde des passions, gouverné par le « Prince de ce monde », pour retrouver notre vocation d’hommes sauvés, pour passer d’une vie corruptible à une vie nouvelle et éternelle, qui nous est offerte par le Christ ressuscité. Cela signifie endurer des épreuves, combattre des tentations…

Je ne vous promets donc pas de vous transporter jusqu’au troisième ciel. Je ne vous promets ni extases, ni autres sensations fortes. C’est dans l’humilité que l’on se rapproche de Dieu.

Pour tirer profit des traités ascétiques, Il faut savoir qu’ils s’adressent d’abord à des moines, que leurs auteurs étaient eux-mêmes des moines, des higoumènes dirigeant des communautés monastiques. Pour eux, renoncer au monde signifiait vivre à l’écart du monde et de toutes ses activités, dans la solitude d’une cellule monastique ou dans le désert. C’est le sens du mot hésychia, classique chez ces auteurs.

Dans un sens plus général, hésychia signifie le calme intérieur, le silence et la paix des pensées. Dans un sens plus restreint : la vie solitaire et silencieuse que l’anachorète mène au désert, séparé du monde. Dans l’enseignement des Pères comme Jean Climaque ou Isaac le Syrien, le retrait, le détachement du monde doit être radical :

« Personne ne peut s’approcher de Dieu, sinon celui qui s’est séparé du monde. Par séparation, je n’entends pas la sortie du corps, mais l’abandon des occupations du monde. » (Issac le Syrien, Discours ascétiques. 1,5)

« La vertu consiste en ce que l’homme, en sa pensée, cesse de s’occuper du monde. Le cœur ne peut s’établir dans la sérénité ni être vide d’images, tant que les sens exercent leur activité. Ni les passions corporelles ne peuvent disparaître, ni les pensées mauvaises cesser, sans le désert. » (Ibid. 1,6)

Cela implique une limitation rigoureuse des contacts humains, non seulement avec les femmes (ou de manière symétrique avec les hommes pour les moniales) :

« Si tu es obligé de parler à des femmes, ne les regarde pas en face, et entretiens-toi ainsi avec elles. Tiens toi éloigné des moniales comme du feu et comme d’un piège du diable ; évite leur rencontre, leur conversation et leur vue, pour que ton cœur ne se refroidisse pas en s’éloignant de l’amour de Dieu et ne soit pas souillé par le bourbier des passions. Seraient-elles tes sœurs selon la chair, tu dois t’en garder comme d’étrangères. » (Ibid. 7,28)

Mais aussi avec les frères, comme on le voit dans le paragraphe suivant qui donne un résumé de ce qui fait le comportement du moine :

« Il faut donc que le moine ait un beau comportement à tous égards : il doit s’élever au-dessus de toutes les choses visibles, éviter soigneusement toute possession, mépriser complètement la chair, pratiquer le jeûne au plus haut point, persévérer dans l’hésychia, bien discipliner ses sens, veiller sur ses yeux, éviter toute contestation à propos des affaires de ce monde, être sobre en paroles et pur de tout ressentiment, joindre à la simplicité le discernement, à un cœur ingénu et sans détours une conscience éveillée et un esprit vif et pénétrant. Il doit encore être bien conscient de ce que la vie présente est éphémère et caduque, et que toute proche est l’autre vie, la vraie, la vie dans l’Esprit. Il ne doit pas être connu ni remarqué par les hommes, ni s’attacher à des compagnons, ni se lier à qui que ce soit. Il doit préserver l’hèsychia du lieu où il demeure, fuir constamment les hommes et persévérer avec constance dans la prière et la lecture ; ne pas aimer qu’on l’honore ni accueillir volontiers des hôtes ; ne pas être attaché à la vie présente ; supporter courageusement les épreuves ; se tenir à l’écart des rumeurs, des nouvelles et des souvenirs du monde ; penser sans cesse à sa vraie patrie et en avoir la nostalgie ; avoir un visage affligé et marqué par le chagrin ; pleurer sans cesse, nuit et jour ; et, par-dessus tout, garder la chasteté et se purifier de toute gourmandise, en évitant les petites défaillances comme les grandes. C’est cela, en résumé, qui fait la beauté du moine et qui témoigne à la fois de sa parfaite mort au monde et de sa proximité de Dieu. » (Ibid. 10,2)

Mais nous, qui n’avons pas vocation à être moines, nous ne pouvons pas renoncer à tout. Nous avons forcément des préoccupations de ce monde, surtout vous les jeunes : vous avez besoin de penser à vos études, à votre vie professionnelle, il est légitime que vous ayez le désir de trouver une compagne qui devienne votre femme ou un compagnon qui devienne votre mari. J’ai toujours plaisir à célébrer des mariages lorsque j’en ai l’occasion. Certes, la vie conjugale a ses propres difficultés, et il y a parfois des échecs, mais le mariage garde sa beauté devant Dieu. A côté du monachisme, le mariage est une autre voie de sainteté. Il est normal que nous ayons une vie familiale, affective, sociale, des relations amicales, ne serait-ce que le plaisir de partager sur les choses de la foi, pour l’édification mutuelle, comme nous le faisons maintenant.

Alors, comment faut-il comprendre des paroles comme celles que je viens de citer sur le renoncement au monde ? Est-ce que nous pouvons nous les approprier ? Celui qui voudrait les appliquer à la lettre et déciderait de rompre toute relation sociale, familiale ou fraternelle mettrait son âme en grand danger. A l’inverse, d’autres diront que ces propos sont contraires au bon sens, et même contraires à l’Evangile qui commande de nous aimer les uns les autres, et ils arrêteront là leur lecture des pères.

Mais saint Isaac, de même que les autres pères, ne nie pas le commandement d’amour fraternel, comme on peut le voir dans d’autres passages où il va jusqu’à prêcher l’amour et la miséricorde pour tout être créé : pour les hommes, pour les animaux, et même pour les démons (Ibid. 81,2).

En fait, une certaine solitude n’est pas contradictoire avec l’amour du prochain, comme saint Isaac le dit dans cet autre extrait :

« Réjouis-toi avec ceux qui se réjouissent et pleure avec ceux qui pleurent (cf. Rom. 12,15) : c’est là le signe de la limpidité de l’âme. Souffre avec les malades, afflige-toi avec les pécheurs, réjouis-toi avec ceux qui se repentent. Sois l’ami de tout homme, mais reste solitaire dans ta pensée. Prends part à la souffrance de tous, mais reste corporellement loin de tous. » (Ibid. 58,14)

Il est donc dangereux d’isoler une phrase des pères hors de son contexte. Il faut au contraire l’entendre en résonance avec tout le reste. Ceci est vrai également en ce qui concerne l’Evangile et l’ensemble de la Bible. Les différents passages se complètent et s’éclairent mutuellement. Si nous tenons tout ensemble, avec discernement, nous pourrons en tirer une leçon pour notre vie spirituelle.

Tout d’abord, il faut savoir que, dans toutes nos activités, le Tentateur nous attend pour nous tendre des pièges. C’est pourquoi il convient d’être vigilant. Et il y a peut-être un tri à faire dans nos activités, abandonner celles qui sont inutiles. Sans renoncer à toutes les choses du monde, il y a des renoncements nécessaires, notamment à ce qui est de l’ordre des convoitises (convoitise de biens matériels ou de plaisirs, sexuels ou autres…), du jugement des autres, des mondanités, de l’orgueil, de l’amertume, du ressentiment…

D’autre part, si nous ne nous retirons pas du monde, si nous menons notre vie dans le monde et si nous avons des activités dans le monde, nous avons cependant besoin de trouver en nous-mêmes le lieu où nous pouvons nous retirer pour prier : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret. » (Matth. 6,6)

Ceci m’amène au principal point que je voudrais aborder aujourd’hui. Ce lieu secret dont parle le Seigneur, cet espace intérieur, c’est ce que les Pères appellent le lieu du cœur, le lieu où tout notre être se rassemble. Le cœur est le siège des émotions, le lieu où retentissent les épreuves. Le lieu où on trouve Dieu, et où parfois on a l’impression de le perdre, en tout cas le lieu où on le cherche. C’est le lieu de la prière, où l’on prie avec tout ce que l’on est.

Quelques références bibliques sur le lieu du cœur :

« Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur. » (Luc 2,19)

« L'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. » (Rom. 5,5)

« Celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints, c'est Dieu, lequel nous a aussi marqués d'un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l'Esprit. » (2 Cor. 1,21-22)

« Je fléchis les genoux devant le Père (…), afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit dans l'homme intérieur, en sorte que le Christ habite dans vos cœurs par la foi. » (Eph. 3,14-17)

Dans le langage courant, on parle du cœur à propos des sentiments. Quand le fiancé ou la fiancée dit : je te donne mon cœur, cela signifie : je me donne à toi entièrement. De même, ce que Dieu désire, c’est que nous lui donnions notre cœur. C’est pourquoi, dans la prière des litanies, nous disons : « Confions-nous nous-mêmes, et toute notre vie, au Christ notre Dieu. »

La prière de Jésus trouve tout naturellement sa place dans ce lieu intérieur du cœur. La formule classique est : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ». On peut la dire à n’importe quel moment, dans n’importe quelle circonstance, et la répéter inlassablement.

Cette formule brève, comme toute vraie prière, est en même temps une confession de foi : Seigneur : nous confessons qu’Il est notre Dieu. Jésus : celui qui nous sauve (Jésus signifie Dieu sauve). Christ : uni à l’Esprit-Saint (Christ signifie oint de l’Esprit-Saint). Fils de Dieu : uni au Père (nous avons là une confession ramassée du Dieu trinitaire). Aie pitié (eleison en grec), que l’on peut traduire aussi : fais miséricorde, accorde ta grâce. De moi pécheur : je confesse ma faiblesse et ma misère, j’ai besoin de Dieu pour me relever.

Il existe des variantes plus courtes. Chacun trouvera celle qui lui convient le mieux. L’origine de cette prière n’est autre que le Kyrie eleison : Seigneur aie pitié, la prière des aveugles de l’Evangile (Matth. 9,27 ; Marc 10,47…) et d’autres personnes qui demandent la guérison pour elles-mêmes (Luc 17,12) ou pour leur fils ou leur fille (Matth. 15,22 ; 17,15), la prière que nous répétons continuellement dans tous les offices. On peut aussi alterner avec une invocation à la Mère de Dieu : « Marie, Très-sainte Mère de Dieu, sauve-nous. »

Pour entrer dans la prière, on s’arrête, on laisse les préoccupations et les soucis de côté, comme nous le chantons dans la Liturgie au moment de la grande entrée : « Déposons tous les soucis de cette vie ». Les soucis ne vont pas disparaitre, on les retrouvera après la prière, mais on les verra autrement. Et s’ils continuent à s’imposer pendant la prière, on les confie au Christ.

Il est bon de se donner des moments pour cette prière, des rendez-vous avec Dieu. L’utilisation d’un chapelet peut aider. Lorsqu’on est débutant, on se limitera peut-être à 30 ou 50 invocations.

Un moyen pour entrer dans le lieu intérieur est de prendre conscience de sa respiration, ce qui aide à se détendre. On se recentre en fixant son attention en même temps sur la respiration et sur la prière. La respiration devient ample et paisible. La prière nous remplit corporellement, tout notre être respire la prière. On peut synchroniser la prière avec le rythme de la respiration : une partie sur l’expiration, l’autre partie sur l’inspiration. Pour ma part, j’ai un moment privilégié lorsque je fais ma marche (presque) quotidienne : une marche rapide, qui fait que la respiration s’impose et trouve son rythme avec la prière.

Remarque : Le contrôle de la respiration est à la base des techniques de relaxation que beaucoup de nos contemporains connaissent bien. Pour nous, le but n’est pas tant de chercher un bien-être physique ou psychique que de trouver le lieu où la prière va s’enraciner.

D’habitude, nos pensées vont à droite et à gauche de manière indisciplinée, elles nous entrainent à l’extérieur de nous-mêmes et nous dispersent. L’attention sur la prière permet de ramener les pensées à l’intérieur de nous-mêmes. Les pères parlent de faire descendre l’esprit dans le cœur.

Petit à petit, avec un peu de pratique, notre espace intérieur devient habité (voir les références bibliques ci-dessus), habité par le Christ : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », dit saint Paul (Gal. 2,20). On peut dire aussi habité par le Saint-Esprit, ce qui revient au même, car c’est par le Saint-Esprit que le Christ habite en nous. C’est pourquoi nous demandons dans la prière à l’Esprit-Saint : « Roi céleste… viens et fais ta demeure en nous ». Avec un peu d’habitude, nous pouvons retrouver ce lieu du cœur à tout moment de la journée, au milieu de nos occupations.

Si on est dans un moment de stress, certaines pensées continueront peut-être à s’imposer, mais on va les contenir à l’intérieur de nous-mêmes. Et lorsqu’il nous arrive de subir une épreuve douloureuse, la douleur ne disparaît pas pendant la prière. Je pense par exemple, avec la guerre en Ukraine, lorsqu’une mère voit revenir son fils dans un cercueil : la prière ne va pas supprimer sa douleur, mais le Christ va partager sa douleur. Et la Mère de Dieu également, elle qui a connu la même douleur au pied de la croix, une douleur vécue dans la foi. Les stavrothéotokia que l’on trouve dans l’hymnographie des offices quotidiens peuvent apporter une consolation (dans les offices, chaque partie se conclut par une hymne à la Mère de Dieu : théotokion ou, le mercredi et le vendredi, stavrothéotokion). En voici deux exemples :

« Seigneur, te voyant sur la croix suspendu au milieu des larrons, la Vierge Mère qui t'enfanta sans douleurs ni corruption fut percée en son âme par la terrible flèche du chagrin et, pleurant amèrement, elle en eut le cœur blessé, se déchira le visage sans pitié, versa de chaudes larmes et, se lamentant, Sauveur, te demanda : Hélas, doux trésor de mon cœur, comment peux-tu souffrir cette injuste Passion ? »

« Te voyant fixé sur la croix, ô Christ, la Mère qui t'enfanta fut blessée en son cœur et gémissante s'écria : Lève-toi, ô mon Fils, pour que je chante ta divine Résurrection. »

On voit par là que la prière liturgique et la prière personnelle intime ne s’opposent pas, l’une ne remplace pas l’autre : elles se nourrissent mutuellement. Il y a une grande cohérence dans tous les aspects de notre prière : l’utilisation de livres de prière, l’Ecriture sainte, les offices, l’hymnographie, les icônes… Tout cela ne fait qu’un avec toute notre existence : la vie chrétienne est un tout.

Dire la prière de Jésus n’a de sens que pour quelqu’un qui s’en remet réellement au Christ. La formule de prière n’est pas une formule magique, un mantra qui aurait un pouvoir en lui-même, indépendamment de la foi de celui qui la dit. Le pouvoir appartient au Christ. L’important est d’avoir la conscience qu’on s’adresse au Christ. La prière suppose donc qu’on le connaisse, qu’on sache qui Il est, ce qu’Il a promis et ce qu’Il a déjà accompli. Elle suppose une lecture régulière des Evangiles, des épitres, des psaumes, une pratique des offices et des sacrements.

Pour terminer aujourd’hui, je voudrais insister sur le fait qu’il faut aussi compter avec le temps. On ne peut pas comprendre ni assimiler tout d’un seul coup. Il faut beaucoup de patience.

La connaissance intellectuelle des paroles des pères ne suffit pas si l’on n’a pas fait l’expérience du combat contre les tentations et si l’on n’a pas exercé sa persévérance dans les épreuves.

Chacun de nous a déjà été soumis à des tentations, y a parfois résisté et parfois succombé. On n’entrera pas dans les détails, pour préserver l’intimité de chacun.

Chacun de nous a connu des épreuves à un moment ou à un autre dans sa vie (scolaire, professionnelle, sociale, affective…) : des échecs de tous ordres, des coups qui font mal, des déceptions amoureuses, des attaques injustes, des humiliations, la maladie, le décès de personnes qui nous étaient proches… Le Christ ne nous a pas promis une vie à l’abri de toute difficulté, de toute souffrance. Il nous a promis d’être avec nous. C’est dans les épreuves que notre foi se révèle et se fortifie. Les épreuves, même si elles font mal, sont des occasions privilégiées dans lesquelles Dieu vient à notre rencontre. Elles peuvent aussi nous aider à voir ce que nous devons changer dans notre vie.

C’est tout cela qui fait l’expérience de la vie chrétienne, de la vie intérieure.